La radio numérique n’en est pas qu’à ses débuts. Les premières études datent de 1980 et les premiers tests en DAB ont débuté dans les années 2000. En 2006, la norme DAB+ voit le jour et commence à être adoptée dans le monde entier. Au début des années 2000, les pays européens ont commencé à intégrer la radio numérique comme le Royaume Uni en 1999. Certains pays ont tardé à lancer le DAB + comme l’Allemagne en 2011 et la France en 2014. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, la France est très en retard par rapport aux pays européens. La couverture du territoire ne dépasse pas les 50 % à l’heure actuelle tandis que dans les autres pays de l’Europe, la couverture du DAB + est bien plus importante. Nous pouvons le voir dans les pays nordiques comme le Danemark couvert à 99,9 %, la Norvège à 99,7 %, ou les pays frontaliers de la France comme la Suisse couverte à 99,5 % ou encore l’Allemagne qui a su développer la radio numérique plus rapidement que nous.
La mise en place du DAB + devient alors une priorité en France. Il devient aussi nécessaire de mettre au courant la population du développement de cette technologie. Plusieurs objectifs communs et individuels deviennent primordiaux pour les différents acteurs de la radio française, aussi bien les acteurs publics que privés. L’objectif principal est de couvrir le territoire et la population d’au moins 50 %. Comme nous pouvons le remarquer sur la carte du déploiement à l’horizon 2023 (Annexe 6), la diffusion a démarré sur la majorité du territoire, seuls 8 départements font encore appel à des candidatures comme la Mayenne, la Manche et les Landes. Il reste cependant de nombreuses grandes villes françaises qui lancent pour la première fois un appel aux candidatures alors que la diffusion a déjà commencé dans cette zone, comme à Angoulême, Niort, Tarbes et Carcassonne. Nous pouvons d’ailleurs constater que les seules autoroutes couvertes par le DAB+ sont le grand axe majeur de la France, Paris-Lyon-Marseille. Le déploiement doit alors être largement accéléré, notamment pour que la diffusion soit possible sur tout le territoire ainsi pour que l’écoute puisse se faire sur toutes les autoroutes françaises. Un calendrier existe afin de presser et de faciliter sa mise en place (Annexe 7). Pour que les Français soient tenus au courant de la couverture du DAB+ sur le pays, le CSA et l’Arcom ont établi une carte intéractive, régulièrement mise à jour, sur laquelle l’auditeur peut savoir si son département et sa ville sont couverts par la radio numérique terrestre ou bien si sa mise en place est prévue et quelles sont les stations actuellement disponibles dans cette zone.
Cependant, même en atteignant cet objectif, à lui seul, il ne rattrapera pas le retard pris par la France car la majorité des français ne connaissent pas le DAB +, ils n’en n’ont jamais entendu parler pour la plupart. En effet, bien que la couverture s’étende, et que 40 millions de français écoutent tous les jours la radio, 80 % des écoutes en direct se passent sur la bande FM. Nous pouvons le constater dans un sondage réalisé sur une centaine de personnes (Annexe 8). Sur les 99 personnes ayant répondues, 79 d’entre elles ne connaissent pas le DAB +. Sur les 20 personnes ayant répondues qu’elles connaissaient, 13 d’entre elles sont dans le milieu de l’audiovisuel et plus spécifiquement, ont réalisé des études de techniques du son. Il est donc important de communiquer, de renseigner et d’instruire aux Français ce qu’est cette norme de radio numérique, ainsi que les avantages et les changements qu'elle apporte.
Une généralisation des équipements s’impose, aussi bien du côté des stations radio qui vont devoir s’équiper de matériel pour la diffusion numérique, que les auditeurs. En effet, le dernier objectif primordial est de s’assurer que les Français soient équipés, car, à l’heure actuelle, seulement 14 % des foyers sont équipés pour cette transition. Mais c’est également une des contraintes participant à la complexité de la mise en place du DAB+. En effet, les postes radio AM et FM ne permettent pas l’écoute numérique alors “qu’un foyer français possède en moyenne dix récepteurs radio et non compatibles avec la RNT”.
Avant un passage total au DAB+, il faut “s’assurer que tous les français aient un récepteur DAB+” et donc rendre accessible cette technologie. Il y a dix ans, “l’achat d’un nouveau poste numérique n’était pas une priorité pour les auditeurs et 48% des foyers qui n’en ont pas affirmaient qu’il n’y avait pas de chance qu’ils aillent en acheter l’année suivante”. Plusieurs solutions sont proposées comme interdire la vente de tout appareil n’ayant pas de DAB+, et certaines ont déjà été mises en place. Depuis le 1er janvier 2021, tous les nouveaux véhicules mis en service sont équipés d’un poste proposant le DAB+, ce qui représente à l’heure actuelle deux à trois millions de véhicules équipés. Cela est peu sur les “38.7 millions de véhicules en circulation en France comptabilisés au 1er janvier 2022”. Toute personne achetant un nouveau véhicule possédera un poste compatible DAB+ ce qui lui permettra d’avoir au moins un accès à cette technologie. Malgré cela, l’achat d’un véhicule neuf n’est pas accessible à tous, et encore moins une priorité pour recevoir la radio numérique. Il faut donc tout de même que la population investisse et rachète un nouveau poste radio si elle veut pouvoir accéder à la RNT et à ses avantages. Mais, tout le monde n’a pas les moyens ni la possibilité de changer son ou ses différents postes radio et le non-achat d’un poste est l’un des facteurs qui freine la transition totale vers le DAB+. Les prix varient et peuvent aller d’une trentaine d’euros à plusieurs centaines d’euros selon les marques et selon les options du poste radio. La comparaison de trois postes radio compatibles en DAB+ a été réalisée, dans trois gammes de prix différentes. Le premier est dans une gamme considérée à petits prix, à 40 euros. Le deuxième est dans une gamme plus élevée à 179 euros. Le troisième est beaucoup plus cher à 350 euros. (Annexe 9) Après la recherche de différents postes radio et cette comparaison, nous pouvons en conclure qu’il est rare de trouver sur le marché des récepteurs radio numérique avec un prix inférieur à 50 euros voire 60 euros, ce qui peut représenter une certaine somme pour de nombreux français et cela ne fait pas parti de leurs priorités, notamment dans le contexte actuel. De plus, la crainte des acheteurs et des professionnels de l’audio est que des récepteurs à bas prix soient synonymes d’une qualité sonore moindre voir inférieure à celle des anciens récepteurs FM. Ce qui serait alors en opposition totale avec les améliorations et les avantages que proposent la DAB+. Suite au sondage réalisé sur 99 personnes (Annexe 10), le prix que la population serait prête à débourser pour un poste est divergent. En effet, la majorité des gens ayant répondu sont prêts à débourser moins de 60 euros pour un poste, 12 % sont prêts à débourser jusqu’à 100 euros et 19 % privilégient la qualité sonore quel qu'en soit le prix. Ce sondage montre qu’un des enjeux principaux est par conséquent de trouver des compromis pour que les français puissent s’équiper tout en ayant un son de qualité correspondant aux promesses du DAB+. Une des solutions proposée par le syndicat des radios libres serait de “baisser le prix des récepteurs par la massification”.
Une autre contrainte a été soulevée lors de la table ronde organisée par la Commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat, le 25 janvier 2023, réunissant les différents acteurs de la radio afin de discuter autour de l’avenir de la radio. En effet, le monde passant presque dans sa totalité en numérique, les différents acteurs de la radio française tel que Radio France et l’ARCOM demandent à ce que la radio ne passe pas totalement au numérique, c’est-à-dire qu’ils souhaitent que la radio numérique terrestre reste accessible sans internet. Cette demande a été réalisée afin d’anticiper toute coupure d’électricité locale ou plus grande comme nationale. En effet, la radio doit rester un moyen de communication accessible à tous en cas de catastrophes naturelles par exemple, comme sont évoquées les inondations qui provoquent de nombreuses coupures de courant depuis quelques années en France. Ce média est le moyen de communication le plus utilisé en cas de besoin car il n’a pas besoin d’être rechargé ou branché comme nos téléphones, nos ordinateurs et nos télévisions. Les acteurs doivent donc garder la maîtrise de ce média et ne pas être dépendant de connexion comme le Wifi.
Le passage du DAB + à la FM ne peut pas se faire du jour au lendemain, l’arrêt total de la bande FM est pour l’instant impensable, d’une part à cause du manque de couverture du territoire et de la méconnaissance des français, d’autre part toutes les radios ne se sont pas encore mises à la diffusion en numérique. Les radios entamant la transition sont dans une phase de double diffusion qui sera un passage obligatoire pour toutes les stations existantes et qui perdurera sûrement avant l’extinction totale de la bande FM. Cette double diffusion ajoute des contraintes financières. Même s’il est nécessaire, le coût d’une double diffusion est conséquent et il “n’est pas viable sur la durée”43. Les services de radios plus importants vont voir leur chiffre d’affaires baissé considérablement pour pouvoir maintenir cette diffusion à la fois sur la bande FM et sur la radio numérique. Si cela est et sera probablement compliqué à maintenir pour les services de radio importants, il le sera d’autant plus pour les radios libres et associatives ainsi que pour les radios indépendantes. Les radios privées ont compté une dépense de plus d’un million d’euros par radio à terme de cinq à six années d’une double diffusion, ce qui représente un budget considérable. S’ajoute à ce financement onéreux, un marché publicitaire largement en baisse depuis 2019 alors qu’il finance le média radio. Aujourd’hui, les radios indépendantes ne vivent qu’exclusivement avec la publicité et certaines diffusent uniquement en RNT. “Un engagement et un accompagnement de l'État” est donc souhaité et demandé, notamment pour les acteurs qui ont déjà commencé la transition et adhèrent au DAB +.
L’ARCOM cherche des solutions et lance, le 15 mars 2023, l’élaboration d’un livre blanc afin de donner un avenir à la radiophonie française pour 2024. Sa mise en place avait déjà été évoquée lors de la table ronde du Sénat en janvier 2023, avec pour but d’analyser l’évolution des usages du média afin d’établir une stratégie pour la transition à la Radiophonie Numérique Terrestre, et suite à l’évocation du livre blanc déjà établi dans d’autres pays européens comme en Grande-Bretagne.. Tous les aspects du média seront analysés, aussi bien techniques que juridiques et économiques. “Il identifiera les prérequis et les conditions de réussite de cette transition”. Les acteurs du média ainsi que l'État doivent donc continuer de trouver des solutions et des compromis afin d’atteindre les objectifs fixés, pour rattraper le retard pris par la France dans la transition vers la radio numérique terrestre. Cela étant, des dérivés de la radiophonie ont vu le jour diminuant l’écoute sur la bande FM.
